Friday, September 29, 2006

Le chat noir (nouvelle fantastique)


Le chat noir (deuxième jet)

À l’évocation du jeudi 17 octobre 1880, je ne peux m’empêcher de rire, d’un rire las et cynique. Voyez-vous, ce soir-là, ma vie bascula. C’était pourtant une belle nuit, quoiqu’on n’y vit goutte, le brouillard pesant lourd sur la ville de Londres. Je revenais de chez des amis, quelque peu aviné. À cette heure, je ne vis qu’un fiacre apparaître sur la route, les chevaux menant la voiture d’un pas lourd et épuisé. Puis, l’endroit devint complètement désert, j’avais peine à voir à travers l’épaisse masse de brume. Je resserrai ma redingote, rajustai mon chapeau. Il commençait à faire frisquet.

J’entendis l’herbe frémir derrière moi et me retournai, ne discernant rien dans le crachin opaque. J’avançai plus rapidement, le froufroutement s’accentuant, tout juste dans mon dos. Il y avait une présence qui me suivait. Soudain pris de panique, je couru jusqu’à ma propriété et jetai un dernier coup d’œil, le cœur battant à tout rompre. Dans la lumière blafarde du réverbère, deux lueurs d’un vert d’absinthe ainsi qu’une forme obscure élancée apparurent. Ce n’était donc qu’un chat ! D’un noir ténébreux, certes, mais un chat tout de même. Je m’esclaffai de nervosité, les battements de mon cœur ralentissant. Je lui ramenai un peu de lait, question de l’amadouer. Il avait déjà disparu. «Quelle bête stupide !», pensai-je.

La douceur du vin me rendait somnolent, j’allai donc dormir. Mes rêves se peuplèrent de cauchemars où apparaissait le chat. Je me réveillai en sueurs, alors qu’un orage battait son plein. Je découvris avec effroi, dans la lueur d’un éclair, le félin au poil hérissé juché sur le bord de ma fenêtre. Ses griffes poussèrent la vitre et il entra. J’étais figé de terreur. Il sauta sur mon lit, les crocs relevés. Crachant et sifflant. «Assassin, tu n’es qu’un assassin! », hurla le chat. De grosses gouttes perlèrent sur mon front. Je tremblais violemment. Comment pouvait-il savoir ? Personne ne connaissait mon odieux crime ! «Assassin, assassin, scandait le chat, menaçant. Les mains sur mes oreilles, je lui criai : «Tais-toi, démon ! ». Il s’avançait toujours.

Effrayé, je couru à la porte. L’ouvrit à grande volée. Détalai dans la rue. À moitié fou, sous la pluie drue. L’immonde bête me pistait. Je pris le premier virage à droite, hagard. C’était le cimetière. Je dérapai et tombai à genoux. Devant une tombe. Éberlué, je vis son nom. Celui de mon ami. Assassiné de mes mains. Moitié pleurant, moitié gémissant, je l’implorai. «Oui je t’ai tué ! Pardonne-moi ! Tu m’as bien puni ! Laisse-moi maintenant ! », criai-je à tue-tête. J’entendis un ricanement sinistre. Le chat sur la tombe. Ce monstre velu riait !

Me voilà un an après, attendant ma sentence. Je serai pendu demain. Ha, je ris d’un rire amer. Que ce destin est cruel, condamné à mort à cause d’un stupide chat de gouttière !

Wednesday, September 27, 2006

Fable : Le pur-sang et le chameau


«Plusieurs légendes entourent l'apparition du Pur-sang arabe. Selon l'une d'elle, Allah l'aurait créé avec une poignée de vent du sud. Une autre le fait descendre des sept chefs de lignée des chevaux du roi Salomon. Une troisième le dit issu des cinq juments préférées du Prophète Mahomet».

Ce qui est certain, c'est que ce cheval incroyable m'a toujours fasciné. Je dédie ma fable à cette race fabuleuse.

Le pur-sang et le chameau

Il y avait un très beau cheval arabe, le préféré du sultan. Il était aussi blanc que les neiges éternelles de l’Himalaya. Les naseaux gris comme les nuages, les jours d’orage. C’était aussi le pur-sang le plus rapide de l’écurie. Il avait gagné plusieurs courses, toutes en terrain plat et peu éloigné. L’étalon, devenu arrogant vis-à-vis de ses confrères, devenait condescendant envers tous les autres animaux du palais et particulièrement envers les chameaux .
- « Ces fichus animaux n’ont pas de chance, leurs bosses sont disgracieuses en plus d’être lourdes à porter. Quant à leurs genoux, ce qu’ils sont cagneux ! Moi, j’ai un port fier, des jambes puissantes, dit-il un jour à un autre cheval, levant la tête avec dédain. Je les battrais très certainement à la course » .

Un chameau surprit ce discours peu flatteur et décida de donner une bonne leçon à l’étalon blanc.
- « Cher ami, j’ai cru vous entendre dire que vous pensiez battre l’un d’entre nous à la course. Eh bien, je suis prêt à vous convaincre du contraire. Le premier qui traversera le désert et en reviendra gagnera ».
Le pur-sang hennit de joie, certain de briller encore une fois. « Ce n’est pas une grande distance à parcourir », pensa-t-il, bien qu’il n’y fut jamais allé.

La course débuta le lendemain à l’aube sous un soleil éclatant. Le chameau cheminait à belle allure, cependant le cheval le dépassa largement, galopant sans ménager ses forces, imaginant la belle victoire qui l’attendait. Le vent qui se leva soudain ne le ralentit pas, ni les petites bourrasques de sable qui dansaient devant ses yeux noirs.

Après peu de temps, le vent souffla de plus en plus fort, ce qui ralentit la vitesse du pur-sang. Le sable entrant dans ses fers lui donna mal aux pieds.
«Cette course est plus difficile que prévue. Et je sens mes forces faiblir. Et j’ai si soif ! » se dit le cheval, écumant, soufflant, secouant ses pieds tout en courant.

Bientôt n’en pouvant plus il trotta lentement, la langue pendante, le cou penché pour contrer le vent. Arriva près de lui le chameau, tête haute, jambes solides.
- « Déjà épuisé mon cher ? Tu me regarde avec étonnement. Sans doute te demande-tu pourquoi je ne suis pas épuisé. Eh bien, apprend que ces bosses que tu trouves si laides sont remplies de graisses qui me permettent de ne mourir ni de faim ni de soif.
Le cheval, le regarda penaud, le regard vague, affaibli par la soif et les jambes flageolantes.

Le chameau, certain que la leçon eût prit effet, mena le pur-sang blanc à une oasis voisine et le laissa boire tout son content. Ils revirent ensuite vers le palais, chameau devant, étalon suivant dernière, la tête basse, indifférent aux regards étonnés.

Sunday, September 17, 2006

Fable : Le serpent et la mangouste

Voici mon premier texte, inspiré des fables de Lafontaine :)


Le serpent et la mangouste

Un cobra s’en allait gaiement dans les herbes, ondulant, sautillant par moments. Il se réjouissait de son ventre plein d’un petit mulot fraîchement dévoré.
- «Ce fut tellement facile», se félicitait le serpent. «Furtivement, je m’approchai, puis clac ! D’un coup de dents, l’immobilisai de mon venin puissant».
Ce disant, passant près d’une flaque d’eau, il se mira dedans, admirant ses crocs pointus comme des aiguilles.
-«C’est bien vrai que je suis redoutable», s’écria-t-il. «Dans le village voisin, hommes, enfants et bêtes tremblent en me voyant».

Il continua son chemin, sifflotant, se gonflant d’orgueil et se redressant fièrement. Il rampait ainsi, le port haut et arrogant, quand il croisa une mangouste, mammifère pas plus gros qu’un petit singe et semblable à une belette.
Celle-ci avait entendu le serpent s’exclamer haut et fort. Elle décida de tirer la situation à son avantage.
-«Bien le bonjour, Maître cobra. Je vous convie à un duel». Le serpent s’étouffa presque de rire. «Ce sera trop facile», se dit-il, confiant.-«Bien, déclara-t-il, nul doute que mes crocs vous paralyseront et que vous regretterez votre sottise!».

Le combat commença. Le serpent ondula de part en part et plongea vers la mangouste qui ne cessait de zigzaguer devant lui. Elle évita les coups de crocs et se faufila habilement. Tant et si bien qu’elle étourdit le pauvre serpent. Voyant sa chance, la mangouste planta ses dents dans le cou du serpent. Celui-ci, le souffle coupé, s’effondra.
-«Quoi ?, râla le cobra. Une si petite chose cause ma perte ? J’ai été bien vaniteux. Ah, si je n’avais pas eu tant d’orgueil, j’aurais vu le piège!» Là-dessus, il meurt, et la petite mangouste, triomphante, le traîne vers sa tanière.





Textes à venir


J'ai pensé exposer mes textes créés en cours ici, sur ce blog, question de vous divertir. J'en ai déjà trois en chantier : une fable, une nouvelle ainsi qu'un récit fantastique. Il me reste à les taper à l'ordinateur au propre.

J'écris en effet au crayon de plomb, je trouve que c'est plus facile de biffer et de démêler ses pensées sur papier. Un crayon, c'est extraordinaire, c'est un peu le prolongement de la main. Il file sur le papier, dans un mouvement fluide, on peut ainsi jeter en vrac diverses avenues sans arrêter ou presque. Tandis que les touches de l'ordinateur, plus mécaniques, plus saccadées, limitent l'expression de l'imagination. Enfin, je trouve. C'est drôle parce que, jusqu'à cet automne, j'écrivais exclusivement mes articles journalistiques à l'ordinateur, mes notes rapides sur papier, bien sûr, mais le squelette de la nouvelle se faisait sur l'ordi. Ce n'est que récemment que j'ai recommencé à écrire sur papier, en création littéraire, redécouvrant tout le charme de ce support.

Donc, voilà, attendez-vous à lire mes créations
d'ici peu :)